Livre après livre

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lundi 31 août 2015

Exterminez toutes ces brutes de Sven Lindqvist


Le suédois Sven Lindqvist, inspiré par la phrase : « Exterminez toutes ces brutes » écrite à la fin du rapport de Kurtz dans le roman de Conrad, Au cœur des ténèbres, analyse les crimes de la colonisation européenne en Afrique.

Sven Lindqvist, comme Conrad avant lui, dénonce un racisme primaire des colons qui qualifient les Africains de brutes, leur retirent de fait toute humanité et justifient leur extermination. Des massacres, connus de la Belgique et de l'Angleterre, largement indifférentes, pour une conquête réalisée uniquement grâce à une supériorité militaire. Une brutalité issue d'une idéologie plus largement développée par les nazis allemands pour motiver le génocide des « races inférieures » dont les Européens, anglais surtout, comme le montre Lindqvist, ont été les précurseurs.

Exterminez toutes ces brutes, une réflexion remarquable et indispensable sur l’idéologie de la colonisation européenne et ses conséquences.

vendredi 28 août 2015

Une ombre sur le Roi-Soleil : L’affaire des Poisons de Claude Quétel


Même s’il existe une rivalité entre les deux grands serviteurs de l’Etat que sont Colbert et Louvois, comme le Roi, ils sont scandalisés par les affaires de poisons qui agitent son règne. Pour tenter de remédier aux  messes noires, expériences alchimiques et morts inexpliquées qui se multiplient dans un Paris sale et dangereux, Colbert crée le poste de lieutenant général de police occupé par Gabriel-Nicolas de la Reynie et nomme  François Desgrez à celui de capitaine de la compagnie du guet.

Ceux-ci font arrêter, torturer et exécuter des accusés pour le salut de leur âme qui, s’ils avouent leurs crimes, échapperont à l’enfer. Ceux qui se retrouvent ainsi soumis aux pires supplices sont issus de tous les milieux, car du plus grand seigneur au plus simple artisan on recourt aux services des « sorcières » et autres scélérats pour régler ses affaires. Le Roi lui-même suit de près ce « nettoyage », conscient que même dans son entourage proche il se trouve des gens pour vouloir intenter à sa vie. Madame de Montespan, sans jamais que cela soit complètement prouvé, en fait partie.

Avec Une ombre sur le Roi-Soleil Claude Quetel signe une enquête rigoureuse aux développements passionnants. Remarquable historien et conteur, il nous introduit dans une époque troublée où, face à l’émergence des affaires des poisons et de son monde interlope, le pouvoir a mis en place les bases de la police moderne.


 Merci à Babelio et aux Editions Tallandier pour la découverte de cet auteur et de son livre

Les Infâmes de Jax Miller


Contrainte de renoncer à ses enfants, quand elle est accusée à tort du meurtre de son mari, Vanessa Delaney ne peut plus les récupérer alors qu’un de ses beaux-frères est condamné pour ce crime. Vingt ans après, la libération de celui-ci la pousse à surmonter son statut de victime protégée par la police et à partir à leur recherche. Devenue violente, alcoolique et dépressive, elle devra  lutter contre ses démons pour affronter  la face sombre de l’Amérique.  

Jax Miller met en scène, avec un certain réalisme, la violence de l’Amérique profonde, celle des gangs de motards, des sectes et des familles de dégénérés. Et en dépit de l'écriture souvent chaotique, on croit à la bataille de l’héroïne pour sauver ses enfants et se sauver grâce son instinct de conservation qui l’a fait triompher des pires épreuves.

Merci à Babelio et aux Editions Ombres noires la découverte de cette auteure et de son livre.

Karoo de Steve Tesich


Saul Karoo, correcteur talentueux de scénarios, imagine pouvoir guérir de ses difficultés affectives et existentielles en transformant le cours de la vie de ceux qu’il aime. Mais il n’est pas Dieu et son désir de rédemption ne sera pas assouvi par cette ultime manipulation qui le conduira au bord de la folie.

Drôle, ironique, lucide, intelligent, ce roman est une réflexion sur la vacuité de la vanité humaine, la découverte de la spiritualité comme sens ultime de la vie. Un livre dense et profond qui apparait comme le testament halluciné d’un écrivain mort quelques jours après l’avoir achevé. Remarquable.

L’amour conjugal d’Alberto Moravia



Sylvio veut écrire un roman, un roman sur l’amour conjugal. Pour réaliser son projet, il s’installe en Toscane avec Léda, son épouse aimée. Mais le soutien de celle-ci ne suffit pas à nourrir son inspiration. Sûr de l’amour de sa femme, il imagine alors l’abstinence charnelle comme pendant de sa puissance créative et lui propose de faire chambre à part. Mais Silvio pense Léda soumise et éthérée là où elle est impétueuse et animale. Une erreur de jugement qui va lui faire connaitre les affres de la jalousie, d’objet utile à son épanouissement elle deviendra sujet agissant pour elle et par conséquent contre lui.

L’amour conjugal ou l’attachement indéfectible, concept bourgeois raillé divinement par un Moravia ironique et malicieux.